La journée avait bien débuté selon moi. Je ne m'étais pas trop éternisé dans le hall. Après mon arrivée en chantonnant, je ne voulais pas que l'on me donne de surnom ou que l'on trouve que j'exagérais. Je pensais cela parce que j'étais désormais dans une université de musique. On pouvait faire croire que j'avais fait exprès de chanter à voix haute pour montrer mon talent de chanteur. J'avais peur que l'on pense cela de moi donc je me suis isolé dans la cour. Elle était encore déserte et silencieuse à mon arrivée. Je n'appréciais pas la solitude mais j'étais nouveau et bizarre d'après moi. Déjà que je chantais à voix haute, j'étais russe avec un visage qui semblait étranger. Pourtant, j'étais un être extraverti qui approchait facilement les autres mais aujourd'hui, je souhaitais me retrouver seul. C'est au bout de plusieurs minutes que j'ai compris que je me trouvais en plein milieu du chemin qui menait dans la cour. Des élèves m'ont bousculé plusieurs fois, mécontent d'avoir un étourdi tel que moi dans le chemin. La journée commençait bien. Je me suis réfugié sous un arbre, à l'abri du soleil. Le froid de la Russie me manquait déjà. Cela faisait à peine une semaine que je me trouvais à Tokyo que je ressentais déjà le mal du pays. A ce moment-là de doute, je me suis demandé si ça avait été une bonne idée d'être venu jusqu'ici.

Je me souvenais avec exactitude les moments passés avec ma famille. J'ai failli verser une larme. Je ne pouvais pas m'abattre seulement parce que je n'avais aucun ami. Les amis finissaient toujours par apparaître. Il fallait seulement que je patiente pour le moment. J'ai pris mes écouteurs puis j'ai mis une musique assez douce. Mes oreilles souffraient encore des musiques mis au max de ce matin en faites. Au fur et à mesure, ma tristesse a disparu mais j'ai continué à regretter mon choix. Mon seul souhait actuel n'était pas de quitter le Japon mais d'avoir au moins un ami. J'ai fermé les yeux puis je me suis laissé bercer par le son de la musique. Après un court laps de temps qui m'a paru long, j'ai entendu la voix féminine d'une personne. J'ai ouvert un oeil pour apercevoir l'inconnu avant d'être surpris. C'était une jeune adolescente qui devait avoir environ mon âge. Elle était blonde, plus petite que moi et m'observait d'un air gêné. Malgré moi, j'ai souri car je la trouvais mignonne et elle me faisait penser à un petit lapin.

"C'est juste que je n'ai personne avec qui passer du temps. Je suis nouveau et toi ? Au faites, je me nomme Vladimir."

Je lui ai tendu la main, souriant. Si Dieu existait, je pouvais le remercier. Je n'aurais jamais cru qu'une personne aurait souhaité m'adresser la parole. Je n'avais pas encore de sujet de discussion. C'est à ce moment précis où mon esprit a décidé de se montrer curieux avec cette inconnue. Je me comportais toujours comme ça avec les inconnus. Je posais toujours des questions et je ne pouvais pas m'empêcher de bavarder.

"Beau temps, n'est-ce pas ? Je pense que je vais me plaire dans cet établissement et toi ? Je suis Russe et toi ? J'adore tes cheveux blonds ! On dirait de l'or !"

Encore une fois, je m'étais lancé dans une série de questions. J'étais vraiment bizarre. J'ai réussi à me contrôler, in-extremis. Je ne devais pas la faire peur, ni même l'effrayer. Je voulais me faire un ami et je ne pouvais pas manquer l'occasion de finir tout seul dans cette immense cour. Surtout que des élèves commençaient à entrer dans l'enceinte de l'école.

A première vue, elle n'avait pas fui. Au lieu de ça, elle semblait m'apprécier malgré ma personnalité extravertie. J'avais remarqué que mon sourire était plutôt contagieux. Mais je ne voulais pas dire qu'elle était horrible à voir lorsqu'elle souriait. Avec sa chevelure blonde, on aurait cru voir un soleil rayonnant. Avec une douce voix, elle s'est présentée. Son nom me disait quelque chose. C'était le nom d'une personne connue mais son prénom ne me venait pas à l'esprit. De toute façon, je pensais que ce n'était pas quelqu'un si important que ça. Comme moi, c'était une nouvelle dans cet école. Sa valise était toute prête pour séjourner dans l'Edenbridge Music School. Elle me trouvait sympa. Je n'étais donc pas chiant à ses yeux. Lilly méritait mon attention.

Elle a ensuite répondu à la suite de mes questions avec une étonnante rapidité. Se baigner. Je n'étais jamais allé à la piscine. En même temps, en Russie, nager dans une piscine puis en sortir était un bon moyen pour attraper un rhum et sécher les cours. Elle était donc Italienne. Je n'aurais jamais cru ça vu son apparence japonaise. Malheureusement, je ne détenais pas beaucoup d'informations sur l'Italie pour en parler avec elle. Les quelques mots que je connaissais, qui étaient selon moi italiens, étaient pizzas et spaghettis. Enfin bref, c'était cool qu'elle ait des origines italiennes.

Je l'ai fait rougir. Pourtant, ce n'avait pas été mon but. J'ai étouffé un rire pour ne pas la gêner. Lilly a défait le noeud qui retenait ses cheveux. Contre mon gré, j'ai dit "Wow". Ses cheveux étaient plus longs et mieux lorsqu'ils étaient relâchés. Il faudrait fou pour ne pas la trouver moche à cet instant précis. Elle a décidé ensuite de me poser des questions. Je le lui devais bien. Ses questions étaient vraiment simples et ne portaient pas sur ma vie privée. Toujours souriant, je lui ai répondu sans mentir.

"J'ai eu seize ans quelques jours avant. J'aime beaucoup le rock et le métal mais j'écoute un peu de tout. Je joue surtout de la batterie mais je me débrouille bien avec une guitare électrique. Je suis aussi doué en chant."

Je lui avait surement tout dit. Pendant quelques secondes, j'ai regardé les alentours puis j'ai aperçu un banc libre. J'avais remarqué qu'il n'y aurait plus beaucoup de bancs libres dans quelques minutes. Si je voulais m'asseoir, je devais rapidement rejoindre la place libre. J'ai aperçu un groupe d'élèves qui semblait avoir la même idée à la recherche d'un endroit où s'asseoir. Je n'ai pas vraiment réfléchi à ce moment-là mais j'ai attrapé la main de Lilly puis j'ai comme sautillé jusqu'au banc. Tel un majordome, j'ai proposé à Lilly de s'asseoir sur le banc puis j'ai fait pareil.

"Alors, mademoiselle Chapones, pourquoi avez-vous choisi d'étudier dans cet endroit ?"

Après tout, j'étais venu tout comme elle ici pour apprendre la musique. Notre rêve a chacun était de devenir une personne connue dans le monde de la musique. J'ai observé le ciel en attendant d'écouter sa réponse.

Le groupe d'élèves n'avait rien fait pour nous piquer la place ou se battre pour la prendre. Dans un long soupir, j'ai été soulagé. J'avais une place, un temps magnifique et un endroit de rêve. Tout était réuni pour que je puisse bien m'entendre avec Lilly. Pendant que je regardais le ciel, j'ai pensé aux journées de cours. Je ne savais pas vraiment comment se dérouler les cours et comment seront mes nouveaux professeurs. J'avais après tout choisi cette école pour la musique mais j'avais un peu le trac. Je ne savais pas si je serais à la hauteur pour devenir un excellent musicien et chanteur. Avant de venir ici, je m'étais quand même exercé au chant. Cependant, je n'avais pas eu de professeur qui pourrait me dire ce qui n'allait pas avec mon chant. Soit j'avais réellement un extraordinaire dans la musique, soit j'étais dans un rêve qui m'attristerait jusqu'à la fin de ma vie. Mais je ne voulais pas avoir peur. Je ne pouvais pas tout simplement. J'étais toujours optimiste. Ma famille avait confiance en moi et je ne pouvais pas les décevoir. Serrant les poings, je me suis dit que j'étais prêt.

Lilly avait commencé à répondre à ma question au moment où je suis sorti de mes pensées. Elle avait appris à jouer du violon depuis toute petite. Elle avait beaucoup de chance contrairement à moi. Sa passion pour la musique s'était manifesté pour elle dans son enfance. Ses parents avaient pu lui offrir un professeur particulier. Quant à moi, les miens en avaient les moyens mais j'ai jugé qu'il était mieux que je me rende dans cet établissement. La fin de son histoire a été plutôt drôle. Elle avait découvert l'école par hasard en s'écroulant sur son clavier. J'avais découvert l'Edenbridge Music School en découvrant un site qui parlait d'une école prestigieuse basée sur la musique. Intrigué, le destin m'a mené jusqu'ici. Je ne croyais pas vraiment le destin mais à ce moment-là, on pouvait dire que le destin pouvait faire de bonnes choses.

Ensuite, ma camarade m'a proposé de me jouer un morceau de violon. Elle ne semblait pas être gênée devant autant de monde. J'aimais bien les filles qui n'avaient peur de rien et qui se fichaient totalement du regard des autres. J'ai immédiatement accepté. Elle devait être une bonne violoniste. Pour l'encourager à ma manière, je lui ai dit.

"Je chanterais pour toi après."

Cette fois-ci, j'ai rougi à sa place. Je n'aurais pas dû dire "pour toi". Habituellement, je ne rougissais pas lorsque je sortais des absurdités ou des questions. Je n'étais pas habitué à m'exprimer avec autant de sentiments. Dans le brouhaha causé par les élèves de l'école, j'ai attendu la musique de Lilly.

Lilly a sorti son violon puis son archet. Elle a soigneusement nettoyé son instrument puis elle a commencé à en jouer. Sa façon de jouer était bonne. Au début, j'écoutais en dodelinant ma tête. La suite est devenue plus triste. Personnellement, je n'aimais pas les morceaux de musique tristes mais j'aimais la musique que produisait Lilly à l'aide de son violon. J'ai fermé les yeux en balançant lentement ma tête de gauche à droite. Je n'avais plus que le son du violon de Lilly à présent. Le bruit que provoquait les élèves dans les alentours ne m'atteignait plus. A croire qu'en fermant les yeux, je pouvais me concentrer uniquement sur Lilly. Sa musique me berçait. Je me sentais bien. Rien ne pouvait me déranger à ce moment-là. Je ne savais plus depuis quand je ne m'étais pas senti aussi bien. Les seuls moments de ma vie où j'ai été aussi détendu étaient surement les quelques fois où ma mère me câlinait lorsque j'avais cinq ans, les berceuses de mon père enfant. La fin du morceau de musique m'a fait revenir à la surface. Autour de Lilly et moi, des personnes applaudissaient. Je m'étais joint à eux pour la féliciter. Elle méritait beaucoup ses applaudissements. Comme promis, j'allais lui chanter une petite musique que j'appréciais. Je n'allais pas lui sortir une musique de rock qui vous explosait les oreilles à chaque fois. Il lui fallait quelque chose de plus doux. Après une courte recherche, j'ai trouvé.

"Au faites, bien joué Lilly. J'ai aimé ta façon de jouer !"

Pour me rappeler des paroles, je me suis concentré un instant. Plutôt que de perdre mon temps dans une longue réflexion, j'ai préféré me lancer dans le début de la musique. J'étais convaincu que les paroles allaient me revenir au fur et à mesure. Je me suis échauffé un moment la voix puis je me suis enfin lancé. La musique commençait par un long "Oooh." Je l'ai fait, doucement puis j'ai monté ma voix. J'avais préféré commencer dans les aigus puis après ces "oooh", j'ai chanté avec ma voix normale.

"Ooooh...

When she was just a girl,
She expected the world,
But it flew away from her reach,
So she ran away in her sleep.

And dreamed of para-para-paradise,
Para-para-paradise,
Para-para-paradise,
Every time she closed her eyes."

La chanson faisait un peu gay. On me l'avait souvent dit. Cependant, j'étais du genre à me foutre des remarques des gens. J'aimais beaucoup cette musique et son groupe. J'étais prêt à exploser le premier mec qui me ferait une mauvaise remarque. Je ne me suis pas laissé emporter par ma colère et j'ai continué mon chant. Je voulais que Lilly apprécie ma chanson.

"Ooooh...

When she was just a girl,
She expected the world,
But it flew away from her reach,
And bullets catch in her teeth.

Life goes on,
It gets so heavy,
The wheel breaks the butterfly.
Every tear, a waterfall.
In the night, the stormy night,
She closed her eyes.
In the night, the stormy night,
Away she flied."

J'ai senti le regard des élèves se poser à nouveau sur Lilly et moi. Ma voix a failli dérailler. J'étais timide lorsque l'on m'observait. J'ai préféré fermer les yeux pour éviter d'arrêter de chanter. La musique était plutôt longue et je me devais de tenir bon. De toute façon, j'allais m'arrêter à un moment de la musique.

"And dreamed of para-para-paradise,
Para-para-paradise,
Para-para-paradise,
Whoa-oh-oh oh-oooh oh-oh-oh.

She dreamed of para-para-paradise,
Para-para-paradise,
Para-para-paradise,
Whoa-oh-oh oh-oooh oh-oh-oh. (x2)

La, la, la..."

J'ai prononcé le "la, la, la..." comme si j'étais en train de rêver. J'appréciais énormément chanter et surtout pour les autres. J'ai préféré m'arrêter à cet endroit de la chanson. J'ai rouvert les yeux et j'ai observé les personnes m'observer autour de moi. J'ai détourné le regard, trop timide pour affronter leur regard. Comme avec Lilly, ils m'ont applaudi. Ils y avaient eu des sifflements dans quelques coins. Encore une fois, les élèves sont repartis. D'un autre côté de la cour, j'ai vu d'autres adolescents en train de dévoiler leur talent de chanteur ou de danseur. La cour était rapidement devenue un endroit où tout le monde souhaitait chanter et s'exprimer à travers la musique. C'était un peu comme les films qui me faisaient chier comme "High School Musical". J'ai observé Lilly dans les yeux puis j'ai souri. Un garçon, autre que moi, aurait immédiatement rougi mais je n'étais pas comme les autres garçons. Je n'avais pas besoin de parler. Mon regard disait bien que je voulais savoir sa réponse.